Édito : Raskar et Mishima !

Mishima, 1970

Il fut un jeune vogueur, qui, après s’être repu jusqu’à l’écœurement d’écriture et d’ascèse, des poésies romantiques et des lunes molles, prit la voie du soleil. Nous étions en 1951, au jour de Noël ; ce voyageur quittant son île pour la première fois avait 26 ans. Et déjà dans les librairies s’arrachaient ses romans. Confession d’un masque et Une soif d’amour alourdissaient secrètement les tables de chevet féminines, quand les récentes Amours interdites étaient saluées par le grand Kawabata. Mais il fallait partir. S’alléger l’esprit d’une hyper sensibilité accrue par les longues nuits d’écriture. Délier des membres encore engourdis par le poids des encres. Dans la lumière naissante du port de Yokohama, Yukio Mishima prit alors le chemin d’Apollon.

L’œil qu’il porte à l’est, vers San Francisco, vers l’Europe et Athènes, possède cet éclat fier qu’ont les hommes accomplis précocement – et le feu sans joie du vaincu qui méprise la sentence. Sa rencontre avec l’empereur est le souvenir le plus fort du jeune Mishima, qu’il conservera jusqu’à sa mort, gardant au souverain la fidélité du disciple à son Dieu.

Hâlant son visage, le soleil du Pacifique est une révélation : Ce que je veux, c’est l’intelligence doublée de pure existence physique – comme une statue. Une autre image de lui-même s’ébauche à l’esprit de Mishima ; une averse nouvelle, irradiante, sensuelle, mue le corps de Yukio. La floraison de printemps s’amorce, le classicisme prend naissance à Delphes, et l’esprit d’acier dessine ses chairs avec harmonie. Pareil à l’astre incendiaire du soleil levant qui fondait avec les kamikazes de Pearl Harbor. Ce vent divin, toujours, qui sacrait le ciel bleu des processions, quand défilaient les jeunes éphèbes en sueur qu’enviait l’enfant… et qu’aima le guerrier, le ventre grand offert au sacrifice.

 48 ans après le seppuku de Mishima, Raskar prend le sabre et la plume… Lecteurs, revêtez vos masques !

 Yves Delafoy

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